Pourquoi je suis contre le projet remboursement des séances de psychothérapie par la sécurité sociale.

A propos du projet de réforme visant le remboursement de séances de psychothérapie chez le psychologue, il me semble dommageable de n’en retenir que l’aberration clinique que constitue le parcours de soins imposé aux patients. Idem quant à la somme dérisoire remboursée aux psychologues pour les séances prescrites. Idem pour le parcours administratif ubuesque tant pour le patient que pour le psychologue qui choisirait de se conventionner (le retour d’une collègue en vidéo). Discuter ces points précis c’est déjà, selon moi, s’embarquer sur un terrain qui ne correspond pas à l’idée que je me fais de ma profession.  

            De quoi est-il question derrière la bonne volonté affichée d’offrir au plus grand nombre des soins psychiques chez le psychologue ?  

            Quoique pas évident à première vue, le premier des intérêts est bien entendu économique. Il s’agit de répondre à moindre frais à la souffrance psychique de la population que la crise du Covid a plus encore mis en lumière. Pour s’en convaincre, nous pouvons poser une question toute simple : Pourquoi ne pas ouvrir de nouveaux Centres Médico Psychologiques  et/ou y embaucher des psychologues ? La réponse ne fait aucun doute ; ça coûte cher ! Le recrutement de 160 psychologues en CMP annoncé par Olivier Veran lors du Ségur de janvier (soit 1,6 par territoire…!!!) est en revanche une opération de communication à bon prix.  

            Le second intérêt de ce dégagement des soins psychiques vers le privé me semble être la marge de manœuvre qu’ouvre pour les pouvoirs publics la possibilité d’ajuster chaque année – en fonction de ce qu’ils estimeront être la demande – les protocoles mis en place. Ajustement du nombre de séances, ajustement des remboursements ou du parcours de soins plutôt que des créations de postes qui imposeraient à l’État un financement fixe sur le long terme.  

            Être favorable au remboursement des séances prescrites en s’inquiétant uniquement de leurs montants équivaut, sur le fond, à accepter pour notre profession un dégagement du public vers le privé que nous avons vu à l’œuvre pour tant d’autres professions. Quoi de plus normal que notre profession soit logée à la même enseigne que les autres, me direz-vous ? Oui, sauf qu’adopter un tel point de vue serait, à mon sens, ne pas entendre ce qui fait la spécificité de notre métier. C’est sur ce point que la réforme fait ressortir plus encore les profondes divisions de notre champ professionnel. Accepter ce projet de protocole est possible évidemment pour ceux qui pensent obtenir un résultat en X séances.  La réforme est acceptable également pour ceux qui s’inscrivent dans une démarche d’évaluation et d’orientation. 

            Pour les autres, qui refusent a priori – avant la rencontre clinique – de se dire « capables » de « résultats » ou qui refusent de s’inscrire dans la démarche d’évaluation attendue, une question éthique se pose quant au contrat passé avec les institutions.

            Bien entendu, il est toujours possible d’échanger avec les patients sur le cadre qu’implique le protocole de remboursement. Néanmoins, accepter le protocole serait souscrire à l’idée sous-jacente du projet : Au-delà de ce nombre X de séances, si ça n’a pas donné de « résultats », si le patient ne répond pas « positivement », c’est donc qu’il souffrirait de « quelque chose de grave ». Même si le psychologue ne l’entend pas de cette oreille, c’est ainsi que seront perçus par les autorités sanitaires les « résultats » au bout du protocole. 

Le parcours de soins ubuesque qui ressort de ce projet n’est, selon moi, pas vraiment le sujet. Il n’est que l’illustration de la manière dont les institutions sanitaires considèrent les individus, ceux qui « répondront » aux protocoles de soins et les autres. Accepter ce projet c’est, selon moi, avaliser une certaine considération de la personne. Pour ces raisons, je suis contre le remboursement des séances.

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